Oh, c'est encore vous ! Je venais juste de terminer un superbe ouvrage fort intéressant que j'ai trouvé à l'intérieur de la boite d'un vieux jeu dans une boite carton ; ça s'appelle "Notice d'utilisation du jeu Demon's Crest, version FAH". Bof, je l'ai fini, je vais mettre tout ça dans la poubelle de tri. Mais passons cette petite incartade. Si vous êtes ici, c'est que ma précédente petite histoire un peu inquiétante, à savoir celle sur le mystérieux jeu qu'est Killswitch. En cherchant bien dans mes archives toutes droit sorties des années 80, j'ai trouvé une seconde histoire qui pourrait vous intéresser. Asseyez vous en tailleur près du feu, je m'en vais vous raconter l'histoire d'une légende du jeu d'arcade : Polybius.

 

 

 

Revenons en 1981. Le jeu d'arcade explose un peu partout dans le monde, avec des jeux qui sont devenus aujourd'hui de grands classiques, comme Space Invaders, Pac-Man, Donkey Kong ou Missile Command. Bref, les ados et les loubards se rendent tous dans les salles sombres pour jouer aux derniers jeux à la pointe de la technologie en tirant sur des sèches et demandant une petite bouteille de Cacolac après les cours. Bref, la routine.

Allons aux Etats-Unis, dans l'Oregon, à Portland pour être précis. Les jeunes se sont tous passés le mot depuis le début de la semaine : un nouveau jeu va arriver d'ici peu dans les salles du coin, et il paraît, selon les gérants des salles, que ça va être quelque chose d'exceptionnel. Le jour fatidique est arrivé : la borne vient d'être installé, la salle est pleine comme à son habitude, et les joueurs découvrent entre deux bornes que tout le monde a retourné un certain Polybius. Les parties s’enchaînent, tout le monde veut jouer à ce nouveau jeu qui a l'air terrible, et il faut pousser les derniers locataires de la salle pour la fermeture tard le soir.

 

Et le lendemain, ça recommence : une nouvelle fois, les joueurs reviennent en masse avec des amis pour essayer Polybius, et les parties s'enchaînent encore et encore jusque tard dans la nuit, et encore une fois, il faut virer les derniers joueurs, qui sont cette fois plus nombreux. Mais après quelques jours de jeux intensives chez certaines personnes, des jeunes commencent à prévenir ceux qui squattent le jeu que bon nombre des premiers joueurs du jeu, et que pour ceux qui y ont joué dans les autres salles de la ville et de la banlieue, le jeu a eu des effets bizarres sur eux... D'une part, beaucoup seraient devenus accrocs au jeu, au point de ne plus aller travailler ou aller en cours, de ne plus parler à personne et de rester de l'ouverture à la fermeture sur la borne, provoquant de longues files d'attente pour jouer. D'autres seraient devenus insomniaques, n'attendant que l'ouverture de la salle pour revenir jouer au jeu, les plus chanceux qui arrivaient à dormir souffraient de cauchemars récurrents assez violents... Mais ce n'est pas tout dans la liste des effets secondaires du jeu ! On compte aussi des amnésies fortes, au point d'en oublier son nom et son adresse, du stress, des terreurs nocturnes, des suicides voir pire (oui, il y a pire) : des arrêts purs et simples de jouer au jeu vidéo en général. On raconte même qu'un des joueurs qui a pu mettre la main sur le jeu a tout simplement basculé de bord, et est devenu un fervent militant anti-jeu vidéo.

 

Le mot commence à passer entre les gérants des salles, et à peine un mois après le début de l'exploitation des bornes, elles ont purement et simplement disparu de toutes les salles sans exception. Il faut dire que depuis que le jeu était sorti, les joueurs, et surtout les gérants (car les joueurs avaient les yeux rivés sur les écrans des bornes) trouvaient bizarre le passage assez fréquent de personnes entièrement vêtues de noir pour "récupérer des données" sur le jeu, afin de voir comment les clients jouaient. La légende dit que ces personnes seraient en fait des personnes de l'armée américaine qui collecteraient des données sur la façon de jouer des gens sur ce jeu. Pourquoi ? Bonne question : certains pensent que ce seraient pour perfectionner une technologie d'armement militaire ou pour la CIA, certains algorithmes présents dans le jeu pouvant modifier le comportement des personnes. Mais une chose est sûre, après le retrait des bornes des quelques salles d'arcade du coin, il n'a plus été fait mention nul part du jeu, que ce soit dans les journaux ou entre les joueurs eux-mêmes, alors que quelques temps auparavant ils étaient accrocs au jeu.

 

Le jeu est peu à peu disparu de la circulation et des mémoires des gens, comme si ces quelques semaines de plaisir vidéoludique avaient subitement été effacé de la mémoire des joueurs. Mais Internet commence à sortir de terre, et les informations commencent à sortir des têtes et à être partagées avec le reste du monde. En septembre 2003, dans le magazine de GamePro, un journaliste confirme l'existence du jeu mais qu'il n'y a pas eu de version concluante, sans rien en montrer. Bref, un coup dans l'eau, et personne n'a semble-t-il remarquer ce petit passage.

C'est ainsi que Polybius revient sur le "devant" de la scène le 3 août 1994 sur une page du site coinop.org qui en fait mention, mais rien de concret si ce n'est que ce jeu a eu une distribution assez courte et qu'il n'est plus en circulation. Il faudra attendre le 20 mars 2006 pour qu'un certain Steven Roach sorte de l'ombre et ose parler du développement du jeu, dont il semblerait qu'il ait bossé dessus. Voici le commentaire complet de cette personne sur la fiche du jeu :

by stevenroach. Comment: "I think it's about time I laid this to rest, however entertaining the speculation. My name is Steven Roach who is primarily based in the Czech Republic. Sinneschlossen was a company set up by myself and several other mainly amateur programmers in 1978 that worked on component parts for Printed Circuit Boards that saw programming as a limited but very profitable sideline. I think the fact that it wasn't the focal point of our business took the pressure off of us and hence we created some quality work which quickly gained a reputation within the industry. We were approached around 1980 by a Southern American company that shall remain nameless for legal purposes to develop an idea they had for producing an Arcade Game with a puzzle element that centred around a new approach to Video Game Graphics. They were very keen indeed to gain an upper hand in what was already a very competitive market so we were offered a staggering commission-based renumeration package to develop something special that utilised the technology. We developed the game in little more than two portacabins that were knocked together where we spent many stressful mornings, evenings & nights which was a great pity because it compromised our relaxed and innocently amateurish approach to our business in spite of the financial possibilities. Marek Vachousek was the programmer who came up with the name Polybius - he had studied Greek Mythology at Masaryk University and came up with the name because it sounded quite bold and mysterious, which is what we wanted quite simply. The inspiried graphics combined with the puzzle elements and scintilating gameplay was something to behold - we playtested it for hours and hours and it certainly was an addictive game that was well loved professionally and recreationally by all that played it. The company couldn't have been happier and we all thought we were on the verge of something very special indeed. We then received a phonecall stating that there were concerns within the company that the basic graphics which featured prominently in so many other games of the time were fine for the average gamer to spend hours at a time without any noticable physical or mental detriments but the intense and engrossing gameplay of this new step was very much an unknown quantity so the game was put back several months due to divided opinion within their board of directors, much to our consternation for breaking our backs to finish it on time. We received heartening collated playtesting figures and were then told that the game would receive a temporary limited release which bouyed us significantly but shortly after, we received terrible news - a thirteen year old boy from the Lloyd District of Portland, Oregon had suffered an Epileptic Fit while playing the game, only six days after the machines had literally been installed. One of the senior employees that I knew very well contacted me to tell me that it caused immense ripples of panic throughout the company who were of the opinion that they had "created a monster" as such. It may sound laughable now but please bear in mind that this was 25 years ago when the Video Game Industry was in it's infancy. Every effort was made to withdraw the game from the public domain as quickly as possible but the scaremongering was already out in force and a lot of the children were queueing up or daring their friends to play this supposedly nightmarish game. Company Directors descended on the town to assess the situation which may account for these reports of "Strange Men in Black Suits hanging around" and the machines were often taken in daylight, causing minor but noticable incidents. As far as I was made aware, only seven machines were distributed around the area and no other health-related incidents were reported. I heard "off the record" that the company made a one-off settlement to the boy's family and no more was heard, apart from all the internet-based speculation and resulting paranoia. We disbanded Sinnesscholssen shortly afterwards because we didn't want to restrict ourselves to the stringent deadlines of other companies and favoured distancing ourselves from the game in case of any lingering recriminations which could have done a great deal of damage to our personal and professional reputations which was our livelihood and with some of us having very young families, this was extremely important to us. As far as I'm aware, no ROM's or otherwise exist unless they remain in the bowels of the company that distributed it. We only received a basic payment in view of the fact that the game was withdrawn without nationwide or international distribution so we grew to loathe it and was often a cursed word whenever we used to meet up and still is today, which is a shame. I still believe we created something that should have changed the face of gaming and would have set us apart from the rest of the industry but Arcade Games were often compared to drugs at the time because of their addictiveness and we created something that small-minded bureaucrats perceived to be the Heroin of the Video Game World that's only crime was to be many years ahead of it's time. I'm sure people will doubt the sincerity of this so feel free to drop me a line at Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. as I'm happy to answer any questions. Steven.

 

En clair, il dit que Sinneschlossen est une société qu'il avait créé avec quelques collaborateurs amateurs en 1978, mais qui faisait du boulot de qualité. Ils auraient été contacté en 1980 par un société sud-américaine, dont il ne peut révéler le nom pour ne pas avoir de souci juridique, pour produire un jeu de puzzle en arcade avec une nouvelle approche graphique. Ils ont donc travailler pour développer quelques cabines de jeu, avec leur sang et leur sueur. Ce jeu se nommera Polybius, ainsi nommé par un des programmeurs qui a étudié la mythologie grecque à l'université, parce qu'il avait un côté très mystique. Leurs tests ont donné un jeu très addictif mais aussi très distrayant. Cependant, l'obscure société derrière cette commande aurait demandé que les graphismes soient revus à la hausse pour attirer plus de joueurs sans qu'ils aient des soucis physiques et mentaux liés au jeu, et plusieurs fois ce dernier a été revu et corriger pour leur convenir, en sachant qu'il devait être fini à temps. Les retours auprès joueurs auraient été bons, le jeu était populaire dans les premiers temps, mais une information leur serait parvenue comme quoi une des personnes qui auraient testé le jeu aurait eu une cris épileptique en jouant, six jours après la sortie du jeu. Une personne de la société inconnue aurait dit qu'un monstre aurait été créé (il faut remettre le jeu dans son contexte, en 1981, le jeu vidéo n'en était qu'à ses débuts et même si les jeux de cette époque paraissent très simplistes, ils étaient impressionnants pour l'époque) et qu'il fallait tout faire pour retirer le jeu de la circulation. Mais il était tellement populaire que l'enlever de suite n'était pas possible, d'où les hommes en noir qui venaient collecter des informations sur le jeu. A la connaissance de Steven Roach, seulement sept PCB auraient été créées, et seul cet enfant ayant eu une crise épileptique aurait été recensé dans la région en terme de souci lié au jeu. Après cela, la société sud-américaine aurait envoyé un gros chèque à la famille de l'enfant, et la société Sinneschlossen aurait été démantelé peu de temps après pour ne plus subir de pressions comme ils avaient vécu d'une autre société durant le développement de Polybius, et également ne plus salir leur nom à cause des incidents liés à ce jeu. Le groupe essaya par la suite de ne plus faire mention du jeu, étant pour eux un jeu maudit. Steven dit également que Polybius aurait dû changer le monde du jeu d'arcade, mais qu'à l'époque on comparait le jeu vidéo à une drogue, et que les dirigeants le voyait d'un mauvais œil.

 

On pense avoir un peu de lumière dans toute cette histoire avec ce commentaire. Mais les membres du site, après avoir bien décortiqué ce message, et ayant trouvé pas mal de contradictions, ont conclu qu'il s'agit d'une plaisanterie, assez bien ficelée cependant. On peut lire depuis sur la page du jeu "we just wanted to go on record here that Steven Roach is full of himself, and knows nothing about this game." donc que Steven Roach est imbu de sa personne et ne sait rien au sujet de ce jeu. Retour à zéro terrible. Mais on peut également lire, toujours sur la page du jeu sur coinop.org, dans la fiche du jeu mise à jour le 16 mai 2009 :


We've recently received some new information about the game (today's May 16, 2009), and yes one of us is flying to the Kyiv, Ukraine area tomorrow and yes the trip is related to this information. Stay tuned.


Nous avons récemment eu une nouvelle information au sujet du jeu (aujourd'hui le 16 mai 2009) et, oui, l'un d'entre nous va se rendre dans la région de Kiev, en Ukraine demain et, oui, le voyage est en rapport avec cette information.

 

C'est cool, mais aucun signe de vie de l'équipe du site depuis cette mise à jour. Ce serait-il perdu ? Serait-il devenu accro au jeu au point de péter un boulon et de ne plus pouvoir en décrocher ? Est-ce qu'il a été gardé en observation par quelques chercheurs sud-américains qui étudiaient le jeu ? Rien du tout, étrange n'est-ce pas ?...

 

Et une nouvelle fois, le jeu est retombé dans l'oubli des tréfonds d'Internet. Sauf que maintenant, les gens ne sont pas dupes, et que ceux qui ont voulu persister à découvrir la vérité sur ce jeu ont percer son secret : il s'agirait tout simplement d'une farce qui serait apparue au début d'Internet aux USA. En effet, il ne faut pas chercher loin pour trouver quelques erreurs à propos de ce jeu. Par exemple, le développeur du jeu, "Sinneslöschen", qu'on peut traduire littéralement de l'allemand "privation sensorielle" ou « perte des sens ». Ou encore ces descriptions hasardeuses de soi-disant personnes ayant vu tourner le jeu : d'un côté ce serait un clone de Tempest, de l'autre une version d'Asteroïds en graphismes vectoriels... Brian Dunning, un auteur et producteur spécialisé dans le scepticisme, en a conclu qu'il s'agit tout simplement d'une déformation d'un événement lié à une partie de Tempest dans une salle d'arcade en 1981 à Portland, où un joueur aurait eu lors d'une partie une crise épileptique et des vertiges, et un autre serait tombé d'une forte migraine après avoir joué pendant 28 heures (!) à Asteroïds pour une tentative filmée pour un record mondial. L'écrivain raconte également que durant les 10 jours qui ont suivi ces événements, des agents du FBI auraient attaqué plusieurs salles d'arcade soupçonnées d'utiliser leurs bornes comme des machines à sous (ce qui se faisait à l'époque pour contourner la réglementation sur les jeux d'argent, même en France). Ces deux événements combinés auraient donc contribué à créer cette légende urbaine du jeu vidéo, qui, semblerait-il, existe depuis 1984 selon l'intrigue du film The Last Starfighter (Starfighter chez nous), où un adolescent est recruté par un homme en noir qui le surveille en cachette pendant qu'il joue à un jeu d'arcade qu'il a développé pour qu'il devienne pilote de vaisseau de combat stellaire. Et pour achever définitivement la légende, le site anglophone snopes.com, qui a pour but de limiter la propagation des hoax sur le Net, a tout simplement comparer les arriver des hommes en noir dans les salles d'arcade à celles de personnes venant recenser les high scores sur certains jeux, ce qui pourrait tenir la route dans l'histoire d'envois d'informations au gouvernement américain.

 

Polybius est rentré dans la culture urbaine depuis toute cette histoire longue de plus de vingt ans. Par exemple, en 2013 à Portland lors de la Portland Retro Gaming Expo, une série de 30 homebrews de Polybius sur Atari 2600 a été commercialisée par Chris Trimiew, propriétaire de Lost Classics, site spécialisé dans la réédition de cartouches de consoles 8 et 16 bits. Bien entendu, le jeu ne se rapproche pas de ce qu'on dit du prétendu jeu original, aussi bien dans son contenu que dans sa forme.

Le jeu a également eu le droit à une apparition dans un épisode des Simpsons en 2006 dans l'épisode 3 de la saison 18 "C'est moi qui l'ai fait !", où l'on voit la borne en fond, avec seulement un bouton pour jouer et une inscription pour dire qu'il appartient au gouvernement américain.

 

On aperçoit également une borne Polybius dans un épisode de 2014 de The Goldbergs dans une salle d'arcade, ainsi qu'une autre version du jeu dans le premier comic page 17 de Batman Inc. sorti en 2012 au fond d'un club de strip.

 

Dans Batman Inc.

 

Dans The Goldbergs.

 

Une petite série/émission télévisée nommée Blister a également utilisé Polybius pour son arc scénaristique, puisque les acteurs devaient chercher un exemplaire de la borne de Polybius (on ne saura jamais si il a été trouvé, la série ayant été annulée). On retrouve également des références au jeu dans la série vidéo Doomsday Arcade (2009), dans l'intrigue de Armada (une nouvelle de Ernest Cline publiée en juillet 2015), dans le comic Hack/Slash et même dans Farming Simulator 17 en tant qu'easter egg !

 

Nous voilà donc rassurés, tout cette histoire n'était une nouvelle fois qu'une légende urbaine. Ne croyez donc pas ceux qui prétendent avoir eu puis effacé une ROM du jeu original pour MAME, ce n'est pas vrai. Mais qu'est-ce qui n'est pas vrai : que MAME supporte Polybius ou qu'une rom est disponible ?

 

Vous pouvez retrouver plus d'informations sur cette étrange histoire dans les liens suivants:

Encyclopédie du paranormal

Coinop.org

Polybius par Brian Dunning

Starfighter

 

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